Où, toujours, le fossé se creuse entre le pays légal et le pays réel, entre ce qu’il est convenu d’appeler l’oligarchie et le peuple, entre ceux qui s’arriment à leurs privilèges indus et ceux qui subissent journellement les effets du grand bouleversement (culturel, démographique, économique, civilisationnel).
Cette oligarchie qu’Eric Zemmour (RTL, 29 novembre) s’est payé dans les grandes largeurs jubilatoires, suite à la Une du Point (28 novembre) sur le « néocons », où le polémiste était présenté comme « l’archétype du ‘‘nouveau conservateur à la française [pleurant] cette France jadis dominante sur le continent ». Notre pamphlétaire tire à vue sur ces « représentent la France des grandes métropoles qui profitent grassement des bienfaits de la mondialisation et n’ont cure de la France du périurbain qui souffre. Ah ! Ces millions de pauvres qui ne comprennent pas que la mondialisation a permis le décollage des pays misérables et l’éclosion de riches Chinois ou Indiens qui peuvent acheter des sacs Hermès ou des voitures allemandes. Alors les ploucs ! Encore un effort pour être internationalistes ; encore un effort pour comprendre que l’immigration est une chance pour la France. (…) Ils vantent l’Islam, religion de paix. Mais ils ne croient pas en Dieu et n’ont jamais lu le Coran. Puisque beaucoup d’ouvriers et d’employés votent pour le FN, puisque le peuple est devenu réactionnaire et ne s’extasie pas devant les beautés, pourtant aveuglantes, du multiculturalisme, du mariage pour tous, de la théorie du genre, il faut laisser tomber le peuple. (…) D’ailleurs, pour eux, le peuple français n’existe pas, ou c’est un ramassis de « Duponts-la joie » racistes et alcooliques. Il est vrai que la démocratie n’est pas leur fort. Ils confondent la majorité dans le pays, avec la majorité à Bruxelles ou à Francfort. Ils confondent pensée majoritaire dans le peuple et pensée dominante dans la cléricature politique, médiatique et économique. C’est à-dire, eux ! Ils confondent conservateurs et réactionnaires. Parce que les conservateurs se sont eux. Conserver leurs idées, leur vision du monde, leurs places, leur confort ». Les mêmes nous servent de façon récurrente, leur vomitive accusation de racisme, gaz anesthésiant des dernières défenses immunitaires des peuples culpabilisés et rideau de fumée de l’incapacité politique du pouvoir. L’alternative est simpliste : défendre les siens avant les autres est raciste. « Alternative débilitante, écrit Olivier Delacrétaz dans un bel éditorial de La Nation-Journal vaudois (29 novembre). L’être humain est en toute chose à la fois particulier et universel, à la fois déterminé par ses appartenances et liberté de son jugement comme de ses décisions. Aussi ne se retrouve-t-il pleinement ni dans le donné brut de la race, ni dans la sèche – et d’ailleurs imprécise – rationalité des ‘‘valeurs républicaines’’. Seule la communauté historique et territoriale qu’on appelle la nation offre, dans une certaine mesure, la synthèse du particulier et de l’universel. (…) Dans un pays civilisé, la race n’est pas insignifiante, mais elle secondaire. Elle est intégrée à l’ordre social. L’appartenance nationale, les déterminations familiales, professionnelles et religieuses, les liens affectifs sont plus forts, plus significatifs que les caractéristiques raciales. Mais une nation peut se décomposer. Quand la civilisation reflue, quand l’ordre social se défait, quand les repères traditionnels sont ridiculisés, la race offre une sorte de communauté de substitution ». Quoiqu’il en soit, à force de racialiser le discours, on a fini par mettre la langue en examen perpétuel : « Le type européen accolé au suspect Abdelhakim Dekhar en dit long sur nos représentations collectives. Pour ne pas employer l’expression taboue de race blanche, la police et les médias en viennent à des circonvolutions absurdes. Le type européen n’existe pas. Au mieux trouve-t-on des types scandinave, saxon, slave, méditerranéen, iranien ou maghrébin, qui peuvent s’apparenter à la race blanche ou caucasienne. Mais maintenant que les races n’existent plus, il se pose un petit problème concret pour décrire un suspect lors d’un appel à témoins » (Stephan A. Brunel, Boulevard Voltaire, 2 décembre). « Plus l'oppresseur est vil, plus l'esclave est infâme », disait La Harpe. Hollande et sa clique ont instauré un climat délétère de guerre civile larvée et chacun de ses commis exhale la puanteur pestilentielle des régimes en décomposition avancée. C’est, en substance, ce qu’écrit Denis Tillinac dans Valeurs actuelles (28 novembre) : « la conjonction de son [celui d’Hollande] autisme et du sectarisme de ses ‘‘amis’’ aura donné le ton d’un art de gouverner pire qu’inadéquat par temps d’orage. Ses mêmes ‘‘amis’’ persévèrent en se gargarisant du mot ‘‘droitisation’’, sans comprendre du tout en quoi notre société a cessé d’être en phase avec leurs présupposés. (…) La France bascule à droite, dans ses profondeurs, phénomène indéit depuis les années soixante. (…) Les fauteurs de discorde ne sont pas les gens de droite, mais ceux qui, à gauche, escamotent le débat (…) en expédiant leurs adversaires dans l’enfer d’un ‘‘fascisme’’ imaginaire, double rejeton de leur démonologie et de leur cynisme ». Reste à savoir de quelle droite on parle…