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  • Livre/ Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine de Caroll Quigley

    Il n’existe pas, à proprement parler, de complot dans la conduite des affaires du monde. Tout au plus – et ce n’est nullement négligeable – une confluence d’intérêts et d’idéaux formant, tout à la fois une idéologie (le mondialisme) et un système (l’Oligarchie), lui-même constitué de sous-systèmes dont les multiples interactions participent d’un immense réseau planétaire fonctionnant par cercles concentriques.

    C’est cette organisation complexe qui donne l’impression au commun des mortels ou au non-initié que la marche du monde serait éventuellement régie par des forces occultes, elles-mêmes mues selon un plan préétabli. Or, il s’agit d’un leurre, puisque rien, finalement, n’est foncièrement caché, pour peu que l’on ait la patience d’explorer, d’étudier, d’analyser et de corréler les informations collectées dans les méandres labyrinthiques de la gouvernance mondiale. C’est là, principalement, la tactique de beaucoup de ces cercles et cénacles, que d’agir à visage découvert. La puissance réelle de ces derniers ne réside donc pas dans le secret mais bien dans leur marche de concert vers l’objectif, non spécifiquement écrit, d’une unification intercontinentale sous l’égide d’un gouvernement global. Leur pouvoir est ainsi démultiplié grâce aux réseaux qui les relient ensemble. C’est un facteur essentiel dont dépend leur puissance réelle.

    C’est tout le précieux apport de Anglo-American Establishment de Caroll Quigley, livre publié et traduit pour la première fois en langue française, sous le titre plus explicite de Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine, de révéler l’inextricable écheveau de groupes divers qui, depuis leur apparition à la fin du XIXe siècle, n’ont cessé de gagner en influence. Paru aux Etats-Unis en 1981, soit quatre ans après la mort de son auteur – conformément à ses vœux – qui fut professeur de relations internationales à l’université de Georgetown, ce magistral ouvrage décrit par le menu le rôle déterminant d’une aristocratie bourgeoise anglaise qui, en étroite relation avec les élites américaines, a mis en place un ensemble interconnecté d’organismes, plus ou moins secrets, dans le but de promouvoir un nouvel ordre mondial.

    Quigley décrit (notamment pour la période 1919-1940 [l’ouvrage a été écrit en 1949]) comment ces organisations secrètes dirigent la politique mondiale et influencent sensiblement les dirigeants politiques et, d’une manière générale, les décideurs du monde entier. Le livre apporte des informations de première main puisque Quigley qui en partageait pleinement les idées – tout en en désavouant, ingénument, les méthodes qu’il jugeait trop peu transparentes et démocratiques –, a bénéficié d’un accès privilégié à leurs innombrables archives (lettres, rapports, notes, revues, etc.).

    Le politologue – qui compta Bill Clinton parmi ses élèves – retrace la généalogie du monde actuel, dont la société secrète de Cecil Rhodes, richissime homme d’affaire (fondateur du Zimbabwe actuel, ex-Rhodésie) et son successeur, le franc-maçon Alfred Milner, constituent toujours les piliers indestructibles. Le but de ces hommes n’était rien moins que de fonder « une Eglise pour l’expansion de l’Empire britannique », Milner, en impérialiste racialiste, plaidant même pour un Commonwealth fondé sur la race. Quant à Rhodes, il voulait « créer un groupe mondial secret dédié aux idéaux anglais et à l’Empire comme leur incarnation et un tel groupe fut créé (…) après 1890, par Rhodes, Stread et surtout Milner ».

    Le « groupe de Milner » – qui subsuma, par la suite, le bloc de Cecil et la société secrète de Cecil Rhodes – résume à lui seul l’emprise oligarchique d’une gigantesque et patiente arborescence rhizomique sur le monde. D’inspiration maçonnique, le « groupe de Milner » instaura une logique de cercles internes et de cercles externes, les seconds devant servir, en quelque sorte à dissimuler les agissements secrets des premiers, tout en donnant l’impression que ceux-là étaient aussi bien initiés que ceux-ci, ce qui était, bien évidemment, un leurre, le premier cercle « qui ne devrait jamais être trop grand » (selon les mots mêmes de Rhodes), devant seul tirer les ficelles, tandis que le second ignorait jusqu’à l’existence du premier.

    Parallèlement, fut lancé, à l’instigation de Cecil Rhodes, les bourses d’études éponymes, dans le but de recruter leurs brillants allocataires dans les divers postes clés du pouvoir (politique, économique et médiatique), à la condition qu’ils fussent animés de solides convictions mondialistes.

    L’essai de Quigley – qui n’est pas sans rappeler le America's Secret Establishment: An Introduction to the Order of Skull & Bones de son collègue britannique, l’économiste Antony Cyril Sutton – met clairement en lumière la connivence parfaite de ces multiples réseaux avec les milieux d’affaires. Ainsi, il est frappant de constater à quel point la banque Rothschild (elle-même en lien étroit avec les banques Lazard Frères en France et J.P. Morgan au Etats-Unis) était impliquée dans une organisation préoccupée d’étendre son contrôle et son influence à tous les échelons de la société mondiale. Le but, unifier la sphère anglo-américaine sous un temple unique dont les piliers seraient Wall Street et la City de Londres.

    Pour compléter le tableau, avant-propos particulièrement synthétique de Pierre Hillard explique pourquoi cet idéal messianique de gouvernement mondial a-t-il été dévolu au seul monde anglo-saxon. S’adossant à des sources insoupçonnables – car provenant des protagonistes eux-mêmes – l’universitaire met en exergue l’opportun rapprochement opéré au XVIIe siècle entre le puritain Oliver Cromwell – qui abrogea la mesure d’expulsion des Juifs d’Angleterre datant de 1290 – et la puissante communauté marrane – Juifs faussement convertis au catholicisme – des Pays-Bas (alors Provinces-Unies). « Cette bascule spirituelle et politique avec ses conséquences économiques en faveur du judaïsme talmudique est le cœur nucléaire de la philosophie mondialiste », dont l’ouvrage de Quigley se fait d’ailleurs l’écho en évoquant des alliances judéo-protestantes du même type.

    Edifiant ouvrage que celui-ci, et salutaire, donc, sa publication en France. Fastidieux, sans doute, pour la quantité de patronymes connus et inconnus qui émaillent ses pages, ilCaroll Quigley,Pierre Hillard,Aristide Leucate convient, nonobstant, de considérer ce traité de science politique comme un album photo de la famille mondialiste. On attend impatiemment la sortie de cet autre classique de Quigley, Tragédie et espoir (par un 1966) qui insiste davantage sur la trajectoire philosophique et politique du monde au sein de la nébuleuse mondialiste décrite dans L’Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine. Affaire à suivre.

    Histoire secrète de l'oligarchie anglo-américaine

    Éditions du Retour aux sources, 26€

  • Nouveau livre d'Aristide Leucate: La Souveraineté dans la nation

    Souverainisme,Aristide Leucate,nationalismeFabrice Dutilleul : La souveraineté dans la nation est votre deuxième ouvrage après Détournement d’héritages paru, il y a un an, chez le même éditeur. Est-ce la suite de celui-ci ?

    Aristide Leucate : Ce n’est pas exactement la suite, dans la mesure où le propos du deuxième est principalement centré sur une seule notion, la souveraineté, tandis que le premier avait pour ambition de balayer des thématiques diverses. Mais on peut considérer, néanmoins, qu’il s’inscrit dans une démarche intellectuelle à peu près semblable consistant à analyser une réalité, politique en l’occurrence, qui n’est plus ou en voie de disparition.

    FD : Bien que portant sur la souveraineté, votre livre semble faire le procès du souverainisme.

    AL : C’est vrai, dans la mesure où le souverainisme a depuis longtemps (c’est-à-dire depuis au moins vingt ans) démontré sa totale innocuité rhétorique et politique. Tous les Français connaissent, même superficiellement, le patriotisme, notion apparue sous la Révolution. Celle de nationalisme leur est à peu près familière depuis le XIXe siècle jusqu’à leur devenir carrément repoussante depuis qu’on leur a enseigné que les horreurs de la guerre civile européenne de Trente ans étaient issues des idéologies impérialo-hitléro-fascistes, caricaturalement ravalées au nationalisme. Quant au concept de souverainisme, il est réellement connu au Québec d’où il fut importé comme de quelques initiés qui ont tenté de le théoriser et de le publiciser. L’objet du livre tend, notamment, à opposer ces notions (surtout celle de patriotisme encore audible, pour nos contemporains) à celle de souverainisme qui, décidément, peine à prendre dans le terreau culturel et politique français. Nous avons voulu souligner le contraste entre deux notions, apparemment siamoises, mais totalement antagonistes sur le plan opérationnel. Le premier peut attester, qu’en son nom, un parti comme le Front National a accumulé quelques succès électoraux, quand le second doit se résigner à n’être qu’un nain politique. De plus, on a refusé le patriotisme pour « malaria lepenia », on a aculé le nationalisme dans une « reductio ad hitlerum » à perpétuité, et on devrait accepter désormais cet insipide succédanée, ce souverainisme censé revêtir des oripeaux plus consensuels et fédérer par-delà droite et gauche. On voit le résultat…

    FD : Certes, mais vous rejetez le souverainisme en réhabilitant le nationalisme. Ne trouvez-vous pas que l’un est, somme toute, moins effrayant que l’autre et qu’il y a, aujourd’hui, quelque danger rétrograde à user de ce dernier ?

    AL : A la suite de Romain Gary, le général De Gaulle estimait que « le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres ». Il n’est rien de plus faux. Et ce que vous appelez « rétrograde » est la marque d’une certaine ignorance, hélas partagée, souvent de bonne foi, par beaucoup de non compatriotes désinformés. Le nationalisme comme le patriotisme font référence, par leur étymologie, à un fait de nature que Maurras avait d’ailleurs parfaitement bien entrevu. L’attachement à la terre ancestrale résulte d’abord du simple fait de naître sur un sol que l’on n’a pas choisi. Pour parler comme les astrophysiciens, on dira qu’il existe une singularité initiale qui conditionne certes l’individu mais, au-delà de lui-même, d’un point de vue holiste, la société toute entière qui, non seulement l’a accueilli comme l’un des siens engendré par les siens, mais encore et surtout de laquelle il est tributaire, sauf à ruiner les fondements de cette société si chacun de ses membres pouvait discrétionnairement s’en affranchir en récusant ses règles constitutives. En outre, parce que les concepts et les idées subissent autant les outrages du temps que des influences qui les transforment, il est apparu que le patriotisme semblait davantage s’adresser au cœur et aux vibrations intimes de l’âme (celles qu’un Marc Bloch avait sublimement sentis en parlant du souvenir de Reims et de la Fête de la Fédération), tandis que le nationalisme ressortait à la raison politique. Le patriotisme embrasse uniment quand le nationalisme hiérarchise et, par là même, pose des priorités. Il ne s’agit pas, comme on le dit trop légèrement par paresse ou ignorance, de distinguer selon des critères raciaux ou biologiques mais bien de déterminer des limites, à commencer par celles circonscrivant l’espace du politique, condition sine qua non de son exercice.

    FD : Concrètement, cela donne quoi ?

    AL : Concrètement, cela signifie que la nation (ou la patrie, deux termes franchement synonymes) n’est rien sans le peuple qui l’incarne, celui-ci n’étant qu’une vague entité hors-sol si elle se trouve dans l’incapacité de s’identifier à son substrat naturel. C’est dire que peuple et nation sont inextricablement et consubstantiellement liés. Le nationalisme est prioritairement une prise de conscience de soi, sans haine masochiste ni exclusivisme. Il n’aura un avenir que pour autant que la nation sera considérée comme la condition de survie d’un peuple. Mais encore faut-il que ce dernier soit littéralement habité par l’âme de la terre qui l’a vu naître et constamment préoccupé d’en transmettre un héritage dont il n’a que l’usufruit. Entre le fantasme d’un Age d’or de la nation et l’ethnocide consistant à la repousser indument, voire en l’abhorrant, existe ce juste milieu, la pérennité inconditionnelle et indisponible du politique. Ici, la souveraineté retrouve son rang, à la condition d’être enchâssée dans le peuple, siège du politique par excellence, peuple et politique convergeant vers le bien commun de la « polis ». Or, un peuple subitement dépouillé – même avec son consentement démocratiquement consigné – de ses attributs souverains, perd sa qualité d’ « être » politique et, ipso facto (et, ipso jure, si l’on veut rester conséquent), se voit contester le droit de se réclamer de sa nation d’appartenance. Pour faire le lien avec votre première question et donc avec mon précédent livre, nous assistons à la lente et inexorable dépossession de nous-même en tant que peuple qui se voit contester le droit ancien et, jusqu’à récemment (soit depuis une petite trentaine d’année), indiscuté, de vivre sur la terre transmise et façonnée par nos aïeux selon des us et coutumes bien définis.

    La Souveraineté dans la nation (Préface de Philippe Randa)

    Editions de l'Æncre, 25 €

    Disponible sur Amazon et Francephi