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  • livre: Le Guignol de l'Elysée

    Plus rien à voir avec le Guignol (affublé de son compère, Gnafron et de son acariâtre épouse, Madelon) de notre tendre enfance. Ce guignol-là s’écrit en minuscule, quand ses méfaits s’inscrivent en caractères de plomb sur le marbre fissuré de notre civilisation chancelante. Tristement comique ou comiquement triste, voici comment l’on pourrait qualifier cette brillante BD, Le Guignol de l’Elysée, dessinée par RI7 et scénarisée par Pierre Cassen, deux figures connues du site Riposte Laïque. On rit de bon cœur à l’évocation de certains épisodes comme celui du Sofitel où un présidentiable putatif dans le plus simple appareil, glisse malencontreusement sur un savon et s’écrase sur le postérieur d’une femme de chambre. On rit encore lorsqu’un autre présidentiable par défaut – et qui sera finalement élu –, arborant une tête de ravi de la crèche, s’évertue à perdre du poids en regardant s’éloigner les généreuses pâtisseries qu’il affectionne tant. « Guignol » est bien senti. On aurait pu tout aussi dire bouffon, pitre, (tchao) pantin, (juste un) rigolo, les qualificatifs ne manquant pas pour décrire un ectoplasme qui non seulement attire la pluie sur lui, mais aussi les pires quolibets sur la France et ses dirigeants. Mais au-delà de ce clown froid, c’est toute une machinerie (machination ?) infernale que nos talentueux auteurs mettent en exergue, avec d’autant plus d’efficacité, qu’elle utilise l’image pour ce faire. Ainsi, voit-on dès la première page, « une réunion discrète de la finance mondiale » à New-York, métonymie de l’idéologie mondialiste en action, cooptant, à rebours de tout processus d’appel au peuple, le suppôt des intérêts apatrides de la gouvernance mondiale. On referme le livre sur une scène identique où l’un des protagonistes s’exclame : « si on perd le contrôle de la France, tout notre plan s’effondre ! ». Telle est la clé de compréhension d’un scénario où la réalité est, hélas, conforme à la caricature. Si le contempteur des « sans-dents » est littéralement ridiculisé (notamment lorsqu’il se fait botter le train par Poutine et souffleter par Merkel ou quand il tente, en mules et pyjamas à pois, d’échapper aux foudres hystériques de Trierweiler), on ne peut s’empêcher, par un effet de répulsion teintée de fascination, d’adorer de détester ce que la gauche post-soixante-huitarde a engendré de pire. Une saine catharsis qu’Aristote, dans sa célèbre Poétique, définissait sobrement d’une phrase : « et, en représentant la pitié et la frayeur, elle [la représentation] réalise une épuration [catharsis] de ce genre d’émotions ».

    Une Vallaud-Belkacem, sinistre d’État franco-marocaine du genre et de l’Éradication nationale, une Taubira acharnée à détruire les fondements civilisationnels d’une France qu’elle abomine, un Peillon, franc-maçon, cathophobe viscéral, mais chaud défenseur de l’allahïcité, sans oublier l’insipide Ayrault en dhimmi municipal et l’insupportable Valls en tyran islamophile atrabilaire. Tous artisans méthodiques du « Grand Remplacement », abhorrant la France moisie et son peuple forcément raciste. Tous à la merci des communautarismes les plus extrémistes, relayés par une presse de « gôche » grassement subventionnée au prorata de l’évaporation de son lectorat, une magistrature SM (Syndicat de la magistrature) prenant aveuglément parti pour les assassins, leurs vraies victimes « socialement défavorisés ». Et pendant ce temps, notre pays, aux marches de ses riantes banlieues périurbaines, est livré à la barbarie haineuse de ces « chances pour la France », que quarante années de laxisme immigrationniste nous ont léguées. C’est ainsi, qu’impunément, une sous-culture lumpen-prolétarienne, « rap-tags-rage », peut exsuder sa haine anti-française. RI7 et Cassen nous livrent un délicat florilège de ces messages de « tolérance » et d’« amour de l’autre » : « je suis venu manger et chier là. Quand je vois la France les jambes écartées, je l’encule sans huile » (Lunatic) ; « j’baise votre nation » (Groupe 113, nominé aux 21e Victoire de la Musique) ; « la France est un pays de putes » (Smala), etc. Criant de vérité, notre Guignol de l’Elysée, plus vrai que nature, reflète, sous le trait délicieusement corrosif de RI7, une insondable médiocrité conjuguée à une terne impuissance que les dialogues incisifs de Pierre Cassen savent rendre à merveille. Que ce soit pour « faire aimer l’islam aux Français », « rompre le jeûne du Ramadan », « ouvrir des salles de shoot partout », « combattre au Mali les islamistes qu’on soutient en Syrie et en France », « augmenter l’immigration et accélérer les naturalisations », « augmenter les impôts de 30 milliards » ou embarquer notre peuple dans un funeste traité transatlantique, lui et sa cohorte de nuisibles arborent des faces de catastrophes. Par leurs actes, ils accomplissent les plus graves forfaitures appelant un exemplaire châtiment, à commencer par celui de leur déchéance d’une nationalité française qu’ils trahissent ignominieusement. Ces continuateurs de la Révolution française devraient, sans doute, pour certains, gravir les marches sanglantes de ces fameux « autels de la peur », ainsi dénommés par Anatole France pour désigner la peine suprême que leurs lointains inspirateurs réservaient aux « ennemis de la liberté ». Il n’est pas interdit de rêver en riant nonobstant de ces phylactères de cauchemars.

    Aristide Leucate

     

    Le Guignol de l’Elysée

    Editions Riposte Laïque, 19,50€

    www.ripostelaique.com

  • La gauche, le socialisme, le peuple et la nation

    Classique tétralogie que deux penseurs de haute volée, tels Jean-Claude Michéa et Jacques Julliard, nous convient à revisiter au travers d’échanges épistolaires aussi denses que stimulants et roboratifs. A la recherche du peuple perdu, aurait pu être le titre ou le sous-titre de cette talentueuse Gauche et le peuple, n’aurait été son antériorité dans un essai (d’une bien moindre épaisseur philosophique, faut-il le reconnaitre) d’Ivan Rioufol en 2011 (Les éditions de Passy).

    Hiatus libéral entre le peuple et les élites

    Michéa revient sur la tare libérale congénitale, issue des Lumières, qui affecte la gauche, avatar d’un socialisme dévoyé qui a tôt fait le choix de trahir le peuple en ralliant inconditionnellement, le « camps du progrès ». Ce qui faisait la singularité du socialisme ouvrier originel résidait précisément dans une éthique « séparatiste » qui le tenait à bonne distance des forces, soi-disant anti-réactionnaires, de la gauche bourgeoise et républicaine. Julliard, continue, honnêtement, de croire en cette « illusion du progrès » guidant le peuple, persistant à penser que « pour la gauche, il n’y a pas de tâche intellectuelle plus urgente que de réconcilier le progrès scientifique avec la justice sociale ». Au socialisme proudhonien et anarcho-conservateur, du premier, répond celui du second, inflexiblement héritier de 1789, mâtinée de comtisme et de radicalisme tercéro-républicain. L’un invite à « penser avec les Lumières contre les Lumières », quand l’autre s’évertue à ne voir dans « le populisme du peuple [que] la réplique à l’élitisme des élites ». Il semble que cet antagonisme simpliste ne rend absolument pas compte de l’infinie complexité de ce qu’est, foncièrement, l’âme d’un peuple. Michéa a donc raison de convoquer Machiavel quand celui-ci affirme que l’« on ne peut honnêtement et sans faire tort à autrui satisfaire les Grands, mais qu’avec le Peuple, on le peut : car le désir du Peuple est plus honnête que celui des Grands, ces derniers veulent opprimer, celui-là ne pas être opprimé ». Julliard ne voit pas qu’en rejetant le populisme au nom de l’idée unitaire (« continuiste » écrit-il) d’une « gauche faisant bloc, bourgeoisie et prolétariat confondus », il ne conçoit, rien moins, qu’un peuple épuré qui serait, finalement, celui des élites qu’il fustige pourtant dans ses lettres. Il est un fait, historiquement et politiquement avéré, que cette élite a toujours prétendu parler au nom du peuple, de Gambetta au Front populaire, sans parfaitement l’incarner. Tout en critiquant, fort justement, le « substitutionnisme parlementaire dans lequel l’assemblée élue prend la place du peuple électeur et usurpe sa souveraineté » (soit, en d’autres termes, le mécanisme de la démocratie représentative) et en avertissant, non moins judicieusement, des dangers qu’il y aurait à succomber aux sirènes « des autres substitutionnismes d’essence dictatoriale, qui transfèrent la souveraineté du peuple à ses représentants autoproclamés », l’auteur de la magistrale histoire des Gauches françaises (Flammarion, 2012), prisonnier de ses postulats idéologiques de jeunesse (ou, pire, de ses habitudes intellectuelles, ce qui est la forme la plus paresseuse de la pensée), s’interdit toute réflexion, de nature proprement dialectique, sur la nature du pouvoir (que notre historien, s’adossant à Simone Weil, réduit au truisme d’une inexorable « nécessité » d’ordre social) et, partant, sur la nature profonde du peuple.

    Le peuple n’est ni à droite, ni à gauche

    C’est précisément le sujet du livre. Si les deux épistoliers s’accordent pour dire que le peuple n’est pas la gauche, Julliard n’hésite pas à soutenir que « le peuple a toujours choisi la gauche, parce qu’il croyait au progrès, et qu’il espérait dans le progrès pour l’amélioration de sa condition », quand Michéa, à la suite du journaliste américain, Thomas Franck, se demande « pourquoi les pauvres votent-ils à droite ? ». Fidèle à la méthode dialectique (qui n’est pas l’apanage de l’hégéliano-marxisme), l’on pourrait tout aussi bien considérer que le peuple n’est ni de gauche, ni de droite ; qu’il peut être même à gauche et à droite, successivement ou concomitamment. Que l’on peut suivre le cortège d’Hugo comme celui de Bainville, que l’on peut admirer Proudhon et La Tour du Pin, et, finalement, que l’on peut voter pour Marine Le Pen après avoir été fils de communiste et avoir milité sous les espèces de la faucille et du marteau. Et si le peuple, dans sa fraction la plus impécunieuse (encore qu’il soit dérisoire et insatisfaisant de se borner à une modélisation purement économique de l’indice de pauvreté) ou désespérée se met, aujourd’hui, à préférer une certaine droite lepéniste – voire, dans une certaine mesure, sarkozyste –, c’est sans doute parce que la gauche, après l’avoir abandonné dans les bidonvilles de la mondialisation, ne sait guère plus lui parler de la nation. Certes, la droite politicienne le fait d’une façon calculée et cynique, mais la gauche, par son tropisme multiculturaliste et transfrontières, l’en éloigne irrémédiablement. Dès lors, au-delà de l’écume électorale, il faut bien voir que le peuple ressent, plus ou moins confusément, la nécessité vitale de réentendre la douce et primordiale mélopée de la nation. Cela ne signifie pas non plus que le peuple soit particulièrement nationaliste, mais il demeure fondamentalement national. En arrière-plan de cet attachement atavique à la terre de ses pères, c’est toute une vision du monde inhérente à cet enracinement de naissance, avec laquelle le peuple tente de renouer les fils d’une trame ancestrale. En d’autres termes, le peuple se trouve par rapport à la nation, dans un état littéral d’incorporation (« embedded » comme disent les anglo-saxons). Détruire les fondements de la nation, notamment en la diabolisant pour cause d’archaïsme fascisant, revient donc logiquement à désintégrer le peuple – qui en est le substrat nécessaire –, ravalé au beau aviné et stupide.

    Le socialisme comme décence commune

    Ce que Michéa dénomme avec Orwell, la « common decency », Julliard, avec non moins de justesse, la qualifie de « moralité populaire [qui] est comme le sentiment national chez Renan : elle repose pour partie sur un passé commun, avec ce qu’il suppose de souvenirs préservés et d’oublis volontaires, mais elle implique aussi une élaboration de tous les instants ». Bien plus, cette morale, soit « celle que l’on s’applique à soi-même (…), est à base d’honneur, de charité et de solidarité, ces valeurs collectives héritées d’un vieux fond éthique commun (…) à l’aristocratie, au christianisme, au mouvement ouvrier ». En ce sens, nous disent les deux contradicteurs, en écho à Charles Péguy, le socialisme est moral ou ne l’est pas. Ainsi, en France, loin d’être de ou à gauche, le socialisme est d’abord populaire en ce qu’il a toujours originellement prétendu à remettre en cause le capitalisme comme logique – et comme fin ultime – de production et d’accumulation perpétuelle et illimitée des biens de consommation. La morale populaire commune – que d’aucuns appelleraient le sens commun – apparait, en conséquence, comme l’aune à l’enseigne de laquelle s’apprécie collectivement le danger de l’hubris. A cet égard, Marx, moins « marxiste » qu’on ne le dit parfois, notait : « combien paraît sublime l’antique conception (…) qui fait de l’homme le but de la production, en comparaison de celle du monde moderne où le but de l’homme est la production ». Or, le basculement dans la démesure, pulvérise naturellement toute limite ainsi que toute idée même de cette notion qui doit « logiquement finir par devenir philosophiquement impensable », comme le remarque Michéa.  C’est dire que le « grand remplacement » théorisé par Renaud Camus, va bien au-delà du « simple » changement » de peuple, démographiquement parlant. Il en affecte, en effet, tous les ressorts anthropologiques, de la même façon que la consommation, par trop régulière et répétée, de « fast-foods », inverse le processus de métabolisation par l’organisme en l’assimilant peu à peu avec ce qu’il ingère. On saisit alors combien cette altération de la nature profonde des peuples aboutit immanquablement à la métamorphose foncière de la nation. L’urbanisation croissante, le tourisme de masse (avec son inévitable lot de parcs de loisirs, d’hôtels-dortoirs et de cantines-restaurants), l’écologisme totalitaire des énergies soi-disant propres et renouvelables (ses parcs éoliens et photovoltaïques), les complexes agro-industriels (les fermes des « 1000 » vaches et des « 250 000 » poules pondeuses dans la Somme, des « 3000 » cochons dans l’Oise ou les « 1000 » veaux hors-sols du Plateaux des Millevaches), les surpollutions des villes et cités périurbaines, sont autant d’exemples effarants de cette dantesque entreprise de dénationalisation qui s’analyse en un véritable grand dépaysement et, a fortiori, en un déracinement massif des peuples autochtones. C’est dire que toute approche populiste de la nation et donc du socialisme réel, passe par la prise en compte prioritairement politique de ce qu’Hervé Juvin a baptisé l’écologie humaine. C’est, en outre, à cette aune que l’on doit désormais interpréter cette phrase célèbre de Charles Maurras : « un socialisme débarrassé de ses oripeaux cosmopolites, et marxistes, irait au nationalisme comme un gant à une belle main ».

    Aristide Leucate

    Article paru dans L'Action Française 2000 n°2898

  • La démocratie totalitaire, l’autre nom du mondialisme

    Et si les plus grands de nos maux civilisationnels et politiques provenaient de la démocratie, ce soi-disant régime de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ? Pour tout militant d’Action française, un tel questionnement contenant sa propre réponse aurait, par principe, valeur de truisme ou d’évidence aporétique. Mais il se trouve que poser la question ne revient pas forcément à y répondre, tant la critique ne pouvant s’en tenir à la seule nocivité intrinsèque du régime, doit même la dépasser pour en analyser les fondements et les dévoiements.

    Démocratie et République

    Il est un fait observable par tous que jamais le système démocratique français n'a été si fort dans son emprise au point que sa remise en cause, même sur un plan purement théorique relève de l’hérésie, au mieux de l’utopie. C’est que la démocratie ainsi vécue est imprégnée, en tout cas, en France, d’un substrat républicain qui en altère autant sa définition que son fonctionnement. Ce faisant, il n’est désormais plus de démocratie sans république, la métonymie s’étant ici substituée à une synonymie commode. Or, la démocratie en soi, comme la monarchie ou tout autre système de gouvernement répertorié par la tradition philosophique et politique européenne est axiologiquement neutre. Sed contra, la République, bien loin de l’acception classique qui était la sienne, depuis Jean Bodin jusqu’à 1870 environs (soit étymologiquement, la « chose publique » équivalente du « bien commun » de la cité), finira par acquérir, notamment sous l’influence de Jules Ferry, Ferdinand Buisson ou Emile Combes (eux-mêmes fortement nourris des socialistes utopiques dont les idéaux étaient repensés dans les loges maçonniques) un sens profondément religieux. Le juriste Christophe Vimbert ne s’y est pas trompé quand, dans sa thèse de doctorat consacrée à La tradition républicaine en droit public français (LGDJ, 1992), il isole trois critères « idéologiques » venant compléter la définition formelle de la République comprise comme ni monarchique ni impériale (donc rejetant le principe héréditaire commun à ces deux régimes). D’abord, « la République organise son pouvoir sur le dogme (sic.) qui proclame le droit du peuple à se gouverner lui-même par le biais d’élection périodiques (…). Ensuite, la République, c’est un sentiment, une éthique, une mystique (re-sic.), un ‘‘parti pris’’ (Alain), un état d’esprit qui s’identifie aux Lumières (Rousseau, Voltaire…), aux droits de l’Homme [notez la majuscule] de 1789, au progrès, à la raison, à la morale républicaine, à l’éducation, la patrie, la justice, la méfiance envers l’Eglise catholique, la sympathie pour les classes populaires, etc. Enfin, une fois le suffrage universel établi (…), celui crée des conditions, des règles et une morale politiques qui excluent désormais tout recours à la violence et au coup d’Etat ».

    La mystique démocratique

    Dans Le Dilemme de Marc Sangnier, Charles Maurras s’attachait déjà à dévoiler les ressorts individualistes de la démocratie érigeant l’homme en démiurge capable, par la seule force de son incontestable volonté, de créer une loi morale surpassant la loi naturelle ou la loi divine. Le philosophe Maxence Hecquard écrit ainsi que la démocratie « est religion par excellence. Elle unit des hommes dont la transcendance est désormais en eux-mêmes. En dépassant l’hommerie, ceux-ci progressent vers un oméga de l’humanité qui confine à la divinité » (Les fondements philosophiques de la démocratie moderne, 2007). Sous-tendue par le respect obligatoire et sanctionné des droits de l’homme et de leurs avatars (liberté individuelle, lutte contre les discriminations, égalité commuée en genre), la démocratie s’abrite derrière le paravent des « valeurs » républicaines, que ne sont, en réalité, que des succédanées de valeurs chrétiennes sécularisées, ce que l’historien du droit, Jean-Louis Harouel, dénomme le « post-christianisme », soit « un salmigondis d’idées chrétiennes arrachées à leur contexte et pouvant être mises au service des »causes les plus délirantes et les plus néfastes à la société et à la nation ». Ces idées fondent « la religion humanitaire, cette religion séculière oppressive prétendant au monopole du bien » (Revenir à la nation, 2014). Forgée précisément contre le catholicisme, la démocratie républicaine est alors devenue une véritable « mystique » qu’Alain de Benoist, suivant les traces de Louis Rougier explique en ces termes : « rapportée au domaine de la politique et de l’idéologie, [la mystique] vise toute croyance qui refuse (consciemment ou inconsciemment) de se donner comme telle et qui se présente, faussement, comme fondée en raison sur des postulats ‘‘indubitables’’ » (Préface à La mystique démocratique, 1983). Précisément, Louis Rougier pointera les contradictions inhérentes à la démocratie et notamment son axiomatique de l’égalité « naturelle »qui en constitue le cœur. Ainsi, « en jetant dans le monde l’idée de l’égalité naturelle, de l’identité de la raison chez tous les hommes, d’où dérive leur égale compétence et leurs droits égaux, [l’égalitarisme rationnel] a conduit notre civilisation occidentale au paradoxe le plus considérable de son histoire (…). Entre le principe des majorités, issu du rationalisme, et le principe de la compétence, issu de la sociologie positive, le conflit est inévitable » (Les paralogismes du rationalisme, 1920).

    L’oligarchie républicaine 

    Régnant sur la masse, l’oligarchie finit par s’émanciper du peuple, le tenant à l’écart tout en s’exprimant en son nom, semblant le gouverner tout en se prévalant de sa légitimité. La volonté générale rousseauiste issue du suffrage universelle en fut peu à peu réduite aux acquêts d’une coterie privilégiée et endogame qui, subrepticement, a renversé le gouvernement de tous par la gouvernance par quelques-uns. Comme nous l’avons écrit, « par l’inextricable maillage dans lequel elle étouffe la société française (et européenne), cette complexe consociation d’intérêts parvient peu à peu à prendre le contrôle de la sphère publique comme de la sphère privée et à imposer son idéologie comme sa lexicologie propres » (Détournement d’héritages, L'Æncre, 2013). En quelque sorte, la synarchie comme organisation moins le complot comme soupçon méthodologique (Voir Olivier Dard, La Synarchie. Le mythe du complot permanent, 2012). La mainmise de cette oligarchie sur les leviers de pouvoirs étatiques, supra et infra étatiques, renforcée par son asservissement européen et son tropisme atlantique, dépossèdent littéralement les nations de leurs prérogatives. Pour gouverner, nul besoin du peuple, ni de son amour, ni de son estime, ni de sa confiance. Ainsi, les Etats sont-ils devenus de gigantesques conseils d’administrations où l’on décide par décrets et ordonnances, arrêtés ou directives européennes, quand ce n’est pas par arrêts de règlements, insupportables reviviscences des arrêts des Parlements, lesquels par leurs blocages systématiques, ont contribué à la chute de la monarchie. L’impossibilité de discuter de la démocratie moins en tant qu’évidence indémontrable que comme causalité probable de dysfonctionnement politiques, économiques et sociaux majeurs, est la marque manifeste de notre assujettissement à un réel totalitarisme. Louis Rougier observait ainsi le dévoiement tendanciel de la démocratie : « le glissement vers la gauche du libéralisme au radicalisme, du radicalisme au socialisme, du socialisme au communisme, est la pente inévitable que suivent les surenchères démocratiques ». L’on pourrait rajouter le glissement du communisme de marché qu’est le capitalisme vers le mondialisme.

    Aristide Leucate

    Article publié dans L'Action Française 2000 n°2893